Johanna Vaude – Tout un monde rêvé
Johanna Vaude,
Tout un monde rêvé
Présente pour la première fois au Verbier Festival, la réalisatrice Johanna Vaude signe la vidéo qui accompagne la représentation de Cavalleria Rusticana de Piero Mascagni ce soir aux Combins. Un opéra intense, d’amour et de sang, que la réalisatrice accompagne d’une déambulation visuelle, une manière de dialogue poétique et rêvé avec la musique.
La phrase « No limits for vision » est placée en exergue sur son site johanna-vaude.com, espace incontournable pour appréhender l’univers cinématographique et musical de l’artiste. Johanna Vaude y définit son travail comme une « exploration des frontières mouvantes entre les genres, fusionnant le visuel et le sonore dans une alchimie narrative unique ». Réalisatrice pour la série Blow Up d’Arte, elle a proposé de nombreuses premières projections dans des institutions culturelles et des festivals de courts-métrages renommés. La vidéo que le public découvrira aujourd’hui aux Combins est son premier long métrage.
Au début de l’opéra, vous nous faites voyager avec des images de mer, une carte de la Sicile, des photos de pécheurs fin 19e- début 20e siècle. Quelle a été votre point de départ ?
J’ai voulu évoquer le cadre dans lequel se déroule l’opéra, à un moment où la photo était arrivée. Le cinéma s’installe aussi, nous sommes à un tournant. J’ai utilisé ces avances techniques et artistiques. Ma vidéo se base essentiellement sur la récupération d’images, photographies et pré-cinéma, dont le compositeur fut témoin à l’époque de la création de son opéra ; ainsi que de tous les films muets qui s’ensuivirent. Elle est une proposition visuelle entre art vidéo, film musical, film de collages, hybridation des techniques et des genres.
Comment voyez-vous l’univers de Cavalleria Rusticana ?
Comme un univers très terrien. C’est une autre époque, une autre vie. Lorsque j’écoute de la musique, j’essaie de me projeter. Il y a tout un monde rêvé dans Cavalleria. C’est ainsi que je l’ai reçu. Je suis dans ce monde rêvé. La Sicile est un pays magnifique, de mer, de terres agricoles riches, d’oranges et de citrons, une île de pécheurs. Ces dimensions sont présentes dans ma vidéo. Comme celle du feu, car la Sicile est volcanique. Sans oublier les fleurs. L’action commence à Pâques. Nous sommes au printemps, moment de renaissance de la nature et de spiritualité. J’ai voulu exprimer cette spiritualité par les fleurs.
Votre vidéo suit-elle le fil narratif du livret ?
Elle est une nouvelle proposition de mise en scène, de l’ordre d’une projection onirique, d’un rêve qui propose des souvenirs d’émotions, de sensations. Un passé ressurgit comme des fantômes. Le cinéma muet se prête particulièrement bien à cette dimension fantômatique. Les personnages ont quelque chose de très musical dans la façon de se mouvoir, les visages ont une expression très intense qui s’accorde à merveille avec l’univers de Mascagni.
J’ai travaillé sur la version que le chef Fabio Luigi m’avait donnée comme référence : celle de Giuseppe Sinopoli avec le Philharmonia Orchestra en 1990. J’ai calé les images sur cette version qui est magnifique.
La musique est fondamentale dans votre travail. Vous avez fait pour medici.tv, diffusé sur sa plateforme, un film en hommage aux artistes classiques. Vous partez de la phrase de Louise Bourgeois « Art is guaranty of sanity ». Que signifie-telle pour vous ?
Sans art, ce serait la mort d’une partie importante de l’être humain dans notre société : l’expression de ce qui nous anime à l’intérieur de nous-même.
Propos recueillis par Laetitia Le Guay-Brancovan
